Pot de bienvenue et son bilan carbone

Salut salut ! Je lance ce blog pour partager quelques réflexions sur les problèmes environnementaux, surtout en lien avec les questions de société. N’hésitez pas à réagir en commentaires pour lancer le débat (rentrez-moi dans le lard, je n’attends que ça !) Un des sujets qui va revenir c’est le lien entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, et la difficulté que l’on a, lorsqu’il s’agit de problèmes globaux comme le réchauffement climatique, à accepter et reconnaître notre responsabilité personnelle. Car ce n’est qu’à partir du moment que l’on admet que l’on fait aussi partie des causes que l’on peut concevoir que l’on a, dans une certaine mesure, un contrôle sur la situation, et que l’on peut donc agir à son échelle pour faire avancer les choses dans le bon sens, bref que l’on peut se conduire de façon responsable. Mais à l’opposé certains nous disent que pour un individu lambda cette responsabilité serait pratiquement nulle, que ça ne sert à rien de se fatiguer, que l’on pourrait même régler tous les problèmes sans que l’on ait quoi que ce soit à changer à notre mode de vie. La seule façon d’avoir de l’impact ce serait l’activisme, faire la “révolution”, et forcer les “puissants” à régler les problèmes qu’ils ont créé [1].

Avant de commencer à réfléchir à comment changer ses habitudes, il faut donc d’abord se demander si ça vaut vraiment le coup, si à notre échelle nos choix peuvent vraiment avoir un impact, ou pour dire les choses autrement, quelle est la marge de manœuvre que l’on a pour réduire notre empreinte environnementale. On peut dire que cette marge c’est la différence entre l’empreinte d’un “bon élève” en terme de mode de vie écologique et celle d’un “mauvais élève”. Pour l’estimer on peut essayer de comparer le bilan carbone d’un individu dont le mode de vie est relativement polluant à celui dont il est relativement peu polluant. L’idée est d’avoir des ordres de grandeurs, à la fois de cette marge de manœuvre et aussi de l’importance relative des différents postes d’émissions dans le bilan carbone (transports, alimentation, chauffage, etc). On va désigner par A celui qui pollue le moins et par B celui qui pollue le plus. Il y a un certain nombre de sites qui proposent de faire un bilan carbone, là j’utilise le calculateur de FGE Carbone.
J’ai essayé de choisir les paramètres de façon à ce que l’un pollue moins que l’autre de façon significative, mais sans aller dans les extrêmes, pour pas qu’ils aient des modes de vie qui nous semblent trop fantaisistes et que l’on puisse réussir un minimum à s’identifier à chacun des deux. Le mode de vie de l’individu B correspond à celui de beaucoup de familles plutôt à l’aise financièrement des classes moyennes supérieures. L’individu A vit beaucoup plus sobrement, que ce soit par conviction écologique ou parce que son budget ne lui laisse pas le choix, mais ce n’est pas non plus un hurluberlu qui vit comme au moyen âge. (On est d’accord, “individu A” “individu B” c’est un peu fatiguant, ce sont des êtres humains donc je propose qu’on les appelle plutôt André et Bernadette par exemple).

Les choix des paramètres sont forcément discutables, mais l’objectif n’est pas de “prouver” quoique ce soit, simplement de “se faire une idée”. Voilà en gros les principales hypothèses sur lesquelles je me suis basé pour remplir le formulaire :
Les deux vivent dans un logement de 4 personnes (typiquement une famille avec deux enfants). Bernadette vit dans une maison de 180 m² en zone rurale, en conséquence elle doit utiliser la voiture pour tous ses trajets, et notamment une quinzaine de km aller-retour pour se rendre au travail. Elle voyage chaque été dans un autre continent en avion. Elle mange de la viande à chaque repas (pour une bonne part du boeuf) et beaucoup de produits laitiers. Elle change régulièrement de télévision, de téléphone, de meubles, de matériel électroménager, elle dépense également beaucoup d’argent en textile (vêtements, chaussures). André vit dans un appartement de 70 m² en milieu urbain. Il n’a pas de voiture et effectue la quasi totalité de ses trajets en transport en commun ou en vélo. Il mange de la viande deux fois par semaine, principalement de la volaille, du porc et du poisson, il consomme peu de produits laitiers (en les remplaçant par des produits équivalents en matière végétale), mais mange des oeufs comme la moyenne. Il consomme peu de produits manufacturés, et les achète principalement d’occasion (notamment tout le mobilier). Il ne prend jamais l’avion, ses destinations de vacances sont suffisamment proches pour pouvoir s’y rendre en train.
J’ai choisi le chauffage au gaz pour les deux, pour se concentrer sur les différences au niveau du mode de vie, alors que le moyen de chauffage relève plus d’un choix d’investissement qui n’a pas beaucoup d’impact sur le confort. Bien sûr, l’écart entre les deux bilans aurait été encore plus important si j’avais choisi le chauffage au fioul pour Bernadette et le chauffage électrique pour André. Pour la même raison, j’ai mis qu’aucun des deux n’achetait d’aliments bio [2].

Ce bilan carbone ne prend pas en compte les émissions liées aux services publics, sur lesquelles on ne peut pas forcément agir directement, si ce n’est en participant à la vie citoyenne et notamment en votant. Cela comprend l’éducation, l’armée, la santé, les travaux publics, etc… Si on regarde le diagramme de Carbone 4 sur la répartition des émissions carbone des français, on voit que ça représente environ 1,28 tonnes équivalent co2. En mettant cette question-là de côté, si on faisait ce bilan pour chaque individu de la planète on obtiendrait (théoriquement) le bilan total des émissions de gaz à effet de serre causée par l’Homme. Il n’y aurait pas à y ajouter, par exemple, les bilans carbone de l’industrie ou de l’agriculture, car ceux-ci sont déjà pris en compte indirectement dans le bilan. En gros cela ne va pas comptabiliser directement quelle quantité de co2 émet le secteur de la sidérurgie, mais c’est un peu comme si votre bilan incluait un prorata de ce que ces usines émettent, en fonction de la quantité d’acier que votre mode de vie implique de produire [3].

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[1] Quelques articles assez représentatifs de cette conception des choses :
https://orionmagazine.org/article/forget-shorter-showers/
http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20161229.OBS3181/trier-manger-bio-prendre-son-velo-ce-n-est-pas-comme-ca-qu-on-sauvera-la-planete.html

[2] Probablement que dans leur calcul cela aurait réduit un peu l’empreinte carbone, car la production de pesticides et engrais de synthèse émet beaucoup de gaz à effet de serre. Mais dans les faits ce n’est pas forcément si évident, selon si on prend en compte l’impact du changement d’affectation des sols. Le rendement surfacique étant moins bon que pour l’agriculture conventionnelle, il faut bien qu’au niveau global quelque part dans le monde on utilise des nouvelles surfaces agricoles pour compenser. Et généralement c’est en grattant sur les espaces naturels, notamment les forêts tropicales. Mais comme le sujet est compliqué je préfère remettre la question à plus tard pour un autre article.
En attendant, vous pouvez lire les réflexions de Jean-Marc Jancovici sur la question :
https://jancovici.com/transition-energetique/occupation-des-sols/la-planete-entiere-pourrait-elle-manger-bio/

[3] À mon sens c’est précisément à ce niveau là que les articles comme celui de Derrick Jensen sont biaisés (cf plus haut le lien dans Orion Magazine), car ils comparent les bilans co2 des producteurs avec ceux des consommateurs. Mais vu qu’un même bien est à la fois produit et consommé, forcément la somme des émissions des producteurs doit être égale à la somme des émissions des consommateurs. Par rapport au diagramme de Carbone 4, représenter les émissions par secteur d’activité (comme sur celui-ci) consiste simplement à exprimer la même chose sous un angle différent.

Edit du 12/08/19 :
Malheureusement le lien vers ce calculateur ne marche plus. Si vous voulez faire le test vous-même je vous propose d’utiliser celui d’Avenir Climatique, qui semble être plus ou moins équivalent.

5 réflexions sur “Pot de bienvenue et son bilan carbone

  1. Super, avec cet article si Bernadette refuse encore de faire des efforts, il lui faudra recevoir un gros coup de marteau sur la tête.
    Même si la différence entre l’impact inividuelle n’est pas comparé avec l’impact collectif, il est clair que déjà, individuellement, on a un impact important selon nos choix de consommation. Si chacun agis, l’impact collectif se fera vite ressentir.

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    • [Même si la différence entre l’impact inividuelle n’est pas comparé avec l’impact collectif, il est clair que déjà, individuellement, on a un impact important selon nos choix de consommation.]

      Pour le coup je pense que les deux ne sont pas vraiment comparables et que l’impact du collectif correspond simplement à la “somme” des impacts des individus. Quand je parlais de responsabilité collective vs responsabilité individuelle, c’est plutôt par rapport à notre tendance à attendre que les autres fassent les efforts étant donné que la responsabilité est diluée. En fait d’une certaine façon ça correspond un peu à “l’effet spectateur”
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_du_t%C3%A9moin?wprov=sfla1

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      • Tout dépend de comment vous souhaitez représenter « impact collectif » et « impact individuel ». Par exemple, nos actions quotidiennes peuvent avoir des conséquences sur le collectif et on voit bien cette tendance avec les « effets de mode ».
        Mais aussi, vous avez raison, la somme des individus représentent le collectif mais tout dépend aussi du cadre que l’on donne.
        A l’échelle d’un individu, l’impact individuel de cet individu sera négligeable. Par contre, si on parle d’une entreprise comme Coca-Cola par exemple, l’impact individuel de l’entreprise est énorme et non négligeable sur le collectif.
        Mais pour la tendance à attendre, celle-ci se fait généralement soit par manque d’envie, soit par manque de moyen ou tout simplement par peur d’insécurité. Comme vous l’avez si bien démontré avec la pyramide de Maslow, l’Homme cherche a rester en sécurité donc pourquoi ira-t-il se mettre en danger ?

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      • [Tout dépend de comment vous souhaitez représenter « impact collectif » et « impact individuel ». Par exemple, nos actions quotidiennes peuvent avoir des conséquences sur le collectif et on voit bien cette tendance avec les « effets de mode ».]

        En fait je pensais que vous parliez “d’impact” au sens d’une donnée brut mesurable, comme par exemple le résultat du bilan carbone personnel. Mais c’est vrai qu’on peut aussi le définir plus largement dans le sens de l’influence qu’à une action donnée sur le bilan carbone de “l’espèce humaine”. Quand quelqu’un troque sa voiture contre un vélo, il y a déjà un impact direct dû au carburant qu’il n’aura pas à brûler, mais on pourrait aussi rajouter un impact indirect du fait qu’en conséquence il y a plus de chances que ses collègues décident de faire de même. Mais bien sûr cette quantité de co2 là elle n’est pas calculable..

        [A l’échelle d’un individu, l’impact individuel de cet individu sera négligeable. Par contre, si on parle d’une entreprise comme Coca-Cola par exemple, l’impact individuel de l’entreprise est énorme et non négligeable sur le collectif.]

        La question de la répartition des responsabilités entre les différents acteurs (entreprises, gouvernements, citoyens, etc) c’est un peu l’objet du prochain billet donc on pourra peut être en rediscuter à ce moment-là 😉

        [Mais pour la tendance à attendre, celle-ci se fait généralement soit par manque d’envie, soit par manque de moyen ou tout simplement par peur d’insécurité. Comme vous l’avez si bien démontré avec la pyramide de Maslow, l’Homme cherche a rester en sécurité donc pourquoi ira-t-il se mettre en danger ?]

        Justement par le fait qu’il a également d’autres besoins, et que du coup parfois il va estimer que sortir de sa zone de confort peut en valoir la peine si ça peut lui permettre d’en assouvir un autre.

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      • Je suis plutôt du genre à prendre les choses dans leur globalité parce que tout (ou presque) a des conséquences sur autre choses qui ont des effets sur d’autres. Dans le monde actuel, nous préférons quantifier les choses avec des chiffres qui changent au moindre phénomène plutôt que de les qualifier. Nous établissons un bilan carbone pour définir qui pollue le plus et après on est réticent à s’engager parce que ce type de phrase est populaire : « Pourquoi je changerai mes habitudes alors que le problème vient de la grosse entreprise ? » Pourquoi ne pas simplement se reporter aux phénomènes anormaux (donc qualifier) puis compléter avec des chiffres pour cibler les améliorations prioritaires plutôt que de perdre du temps à faire l’inverse ? Ainsi, il n’y a plus de grands responsables, plutôt une prise de conscience collective qui évoluera vers une démarche pour les grands groupes qui adapteront leur marketing selon le client. Enfin l’idée est là.

        Ce sera un plaisir de débattre sur les responsabilités des institutions qui se doivent de donner l’exemple de part leur pouvoir à communiquer et leur main-mise sur la publicité. 😄

        Je suis d’accord, les besoins amènent d’autres besoins et c’est sûrement là la complexité de définir le caractère des besoins. Maslow a défini sa pyramide de façon hiérarchisée. Hors, quand les besoins physiologiques et de sécurité sont comblés, ceux d’appartenance et d’estime prennent le pas même si cela va impacter les besoins « primaires »
        Du coup, choisir de perdre de la sécurité au privilège de gagner en estime est difficile pour un bon nombre de personnes quand c’est évident pour d’autres. Je pense que cela dépend également du caractere de chacun et de leur rapport à la vie

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