Si vous voulez voir en détails comment j’ai rempli le formulaire pour chacun des deux cas, j’ai rassemblé dans un tableau les paramètres que j’ai sélectionné [4].
Voilà une synthèse des résultats :
Pour les détails : bilan carbone d’André / bilan carbone de Bernadette
On voit donc qu’André émet chaque année environ 2,42 tonnes équivalent co2, pendant que Bernadette en émet 20,07 tonnes, il y a donc quasiment un rapport 10 entre les deux. Pour se donner une idée, un français émet en moyenne 10,25 tonnes eq co2, et pour que notre mode de vie soit durable il faudrait que l’on émette moins de 2,57 tonnes. Si on ajoute les services publics, André passe à 3,7 tonnes et Bernadette à 21,35 tonnes, mais on reste dans les mêmes ordres de grandeur.
Bernadette est en larme en lisant ces lignes. Mais elle est pleine de bonne volonté et elle a envie de passer à l’action. On comprend aussi qu’elle ne peut pas non plus du jour au lendemain changer du tout au tout le mode de vie auquel elle s’est habituée depuis des décennies, le changement devra être progressif, forcément. Alors, où aurait-elle intérêt à concentrer ses efforts pour commencer ?
Si on regarde son bilan de plus près, on voit que son aller-retour Paris-Bangkok de l’été dernier compte pour 4,1 tonnes, soit 40% de l’empreinte carbone moyenne d’un français et largement plus que le bilan total d’André. Donc le choix de sa destination de vacances a un énorme impact sur son bilan carbone, et c’est l’un des postes sur lesquels elle devrait se pencher en premier. Elle peut par exemple commencer par réduire la fréquence de ses voyages à l’autre bout du monde à un tous les deux ans, et choisir une destination plus proche les autres étés, à laquelle elle peut s’y rendre en train.
Pour ce qui est de l’alimentation, la viande et les laitages représentent 1,7 tonnes eq co2. Elle peut se fixer comme objectif de diminuer ce chiffre par deux à moyen terme, en concentrant ses efforts sur la viande rouge, sachant que produire 1kg de boeuf émet 4 fois plus de gaz à effet de serre que pour 1kg de poulet. Elle pourrait aussi décider d’arrêter de boire de l’eau en bouteille et remplir sa carafe avec celle du robinet. Évidemment, ça serait mieux si elle achetait des fruits et légumes de saison et issus de l’agriculture locale, mais étant donné que cela représente une part relativement faible de ce poste d’émissions ce n’est pas forcément la priorité pour commencer.
La production de biens manufacturés représente aussi une grosse part de ses émissions. Si elle veut agir là-dessus, elle peut bien sûr essayer de d’orienter ses achats vers des produits réputés plus “éco-responsables” (comme les téléphones Fairphone par exemple). Mais la démarche la plus efficace sera tout simplement d’essayer d’acheter moins de biens matériels, de tenter de distinguer le « nécessaire » du « superflu », de moins jeter, de plus réparer, de passer moins de temps au centre commercial et plus de temps sur LeBonCoin, de fuir les produits à usage unique lorsqu’il existe des produits alternatifs réutilisables, et d’essayer davantage de louer ou emprunter à des amis lorsqu’il s’agit d’objets qu’elle utilise très rarement.
Pour tous ces postes d’émissions, elle peut s’y mettre presque du jour au lendemain, mais pour ceux qui restent ça va être plus compliqué car ils dépendent directement de son logement. André et Bernadette se chauffent tous les deux au gaz et leur logement possède une isolation de qualité équivalente, et pourtant les émissions dues au chauffage représentent 2,1 tonnes pour l’un contre 0,8 tonnes pour l’autre. Ce calculateur ne prend pas en compte le fait que le logement soit individuel ou collectif, l’écart s’explique donc simplement par la différence de surfaces habitables (plus ou moins proportionnelle à la consommation de chauffage). Mais dans les faits, cet écart sera probablement majoré par le fait que Bernadette vit dans une maison individuelle. À surfaces habitables égales, cela implique plus de déperditions thermiques que pour un appartement, car une surface plus importante est en contact direct avec l’extérieur (murs, toit, plancher). En plus de ça, étant donné qu’elle habite dans un endroit peu densément peuplé et relativement loin de son lieu de travail ce sera aussi assez compliqué de faire des économies sur les 5,8 tonnes de ses trajets en voitures. C’est probable que son hameau n’est pas suffisamment bien desservi par les transports en commun pour pouvoir les utiliser pour se rendre au travail dans un délai raisonnable. Il lui reste tout de même quelques possibilités pour tenter de réduire au moins partiellement ce poste d’émissions sans déménager. Bien sûr, elle peut changer de véhicule pour une voiture électrique ou hybride, elle peut aussi essayer de trouver un voisin qui travaille au même endroit et qui a les mêmes horaires et organiser un covoiturage quotidien, et par ailleurs, adopter de bonnes habitudes pour une conduite plus économe pourrait lui permettre d’économiser jusqu’à 20% de carburant [5].
Il y a d’autres conséquences environnementales de son choix de logement qui ne sont pas pris en compte dans ce bilan. Cela concerne notamment les émissions dues à la construction du logement, soit en moyenne 0,37 tonnes eq co2 pour un français si on se réfère encore au diagramme de Carbone 4 (principalement pour fabriquer l’acier et le ciment nécessaire). Comme pour le chauffage ce chiffre sera plus élevé pour Bernadette que pour André, car il faut évidemment plus de matériaux pour fabriquer un logement de plus grande surface, et car une maison nécessitera généralement plus de matériaux qu’un appartement pour une même surface habitable. Par ailleurs, le fait qu’elle vive en milieu rurale implique qu’elle « consomme » beaucoup plus de travaux publics qu’André, car plus la densité de population est faible et plus cela nécessite des réseaux étendus (eau, électricité, routes, etc). Donc dans l’absolu la part fixe d’émissions dues aux services publics (1,28 tonnes) devrait être un peu plus élevée pour Bernadette et un peu plus faible pour André.
Mais on ne va pas exiger de Bernadette qu’elle change de logement sur-le-champ juste pour la planète. Car cela demande évidemment beaucoup d’efforts et qu’on lui a déjà donné pas mal de travail pour commencer à agir sur des postes d’émissions qui, à priori, bouleverseront moins son quotidien. Mais la prochaine fois qu’elle est contrainte de déménager, parmi les dizaines de critères à considérer pour le choix de son nouveau logement, il faudrait qu’elle essaye aussi de tenir compte de la question environnementale : de préférence un appartement plutôt qu’une maison, en ville plutôt qu’à la campagne, dans l’idéal près de son lieu de travail, bien isolé, chauffé à l’électricité ou en biomasse, pas trop spacieux, etc…
Je suis bien d’accord que je n’ai rien démontré dans cet article, mais j’espère tout de même que vous êtes convaincu que notre marge de manoeuvre est considérable et que les petits changements du quotidien peuvent avoir un impact réel s’ils sont orientés intelligemment. L’objectif de l’article est aussi de vous donner envie de faire vous-même votre bilan carbone, et comme Bernadette, identifier les postes d’émissions sur lesquels vous avez le plus de marge, vous fixer des objectifs, et petit à petit essayer de vous rapprocher d’un mode de vie qui pourrait être supportable à 7 milliards.
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[4] Dans la dernière colonne j’ai mis les valeurs entrées par défaut dans le formulaire, qui correspondent visiblement à des moyennes nationales issues de statistiques de l’INSEE. Je me suis un peu basé sur ces données pour entrer des valeurs cohérentes. Il ne faut pas oublier que les achats de biens manufacturés pris en compte correspondent seulement aux achats neufs, et excluent donc les achats d’occasion.
[5] Quelques infos et conseils sur le sujet : http://conduiteeconomique.com
Super, avec cet article si Bernadette refuse encore de faire des efforts, il lui faudra recevoir un gros coup de marteau sur la tête.
Même si la différence entre l’impact inividuelle n’est pas comparé avec l’impact collectif, il est clair que déjà, individuellement, on a un impact important selon nos choix de consommation. Si chacun agis, l’impact collectif se fera vite ressentir.
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[Même si la différence entre l’impact inividuelle n’est pas comparé avec l’impact collectif, il est clair que déjà, individuellement, on a un impact important selon nos choix de consommation.]
Pour le coup je pense que les deux ne sont pas vraiment comparables et que l’impact du collectif correspond simplement à la “somme” des impacts des individus. Quand je parlais de responsabilité collective vs responsabilité individuelle, c’est plutôt par rapport à notre tendance à attendre que les autres fassent les efforts étant donné que la responsabilité est diluée. En fait d’une certaine façon ça correspond un peu à “l’effet spectateur”
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_du_t%C3%A9moin?wprov=sfla1
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Tout dépend de comment vous souhaitez représenter « impact collectif » et « impact individuel ». Par exemple, nos actions quotidiennes peuvent avoir des conséquences sur le collectif et on voit bien cette tendance avec les « effets de mode ».
Mais aussi, vous avez raison, la somme des individus représentent le collectif mais tout dépend aussi du cadre que l’on donne.
A l’échelle d’un individu, l’impact individuel de cet individu sera négligeable. Par contre, si on parle d’une entreprise comme Coca-Cola par exemple, l’impact individuel de l’entreprise est énorme et non négligeable sur le collectif.
Mais pour la tendance à attendre, celle-ci se fait généralement soit par manque d’envie, soit par manque de moyen ou tout simplement par peur d’insécurité. Comme vous l’avez si bien démontré avec la pyramide de Maslow, l’Homme cherche a rester en sécurité donc pourquoi ira-t-il se mettre en danger ?
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[Tout dépend de comment vous souhaitez représenter « impact collectif » et « impact individuel ». Par exemple, nos actions quotidiennes peuvent avoir des conséquences sur le collectif et on voit bien cette tendance avec les « effets de mode ».]
En fait je pensais que vous parliez “d’impact” au sens d’une donnée brut mesurable, comme par exemple le résultat du bilan carbone personnel. Mais c’est vrai qu’on peut aussi le définir plus largement dans le sens de l’influence qu’à une action donnée sur le bilan carbone de “l’espèce humaine”. Quand quelqu’un troque sa voiture contre un vélo, il y a déjà un impact direct dû au carburant qu’il n’aura pas à brûler, mais on pourrait aussi rajouter un impact indirect du fait qu’en conséquence il y a plus de chances que ses collègues décident de faire de même. Mais bien sûr cette quantité de co2 là elle n’est pas calculable..
[A l’échelle d’un individu, l’impact individuel de cet individu sera négligeable. Par contre, si on parle d’une entreprise comme Coca-Cola par exemple, l’impact individuel de l’entreprise est énorme et non négligeable sur le collectif.]
La question de la répartition des responsabilités entre les différents acteurs (entreprises, gouvernements, citoyens, etc) c’est un peu l’objet du prochain billet donc on pourra peut être en rediscuter à ce moment-là 😉
[Mais pour la tendance à attendre, celle-ci se fait généralement soit par manque d’envie, soit par manque de moyen ou tout simplement par peur d’insécurité. Comme vous l’avez si bien démontré avec la pyramide de Maslow, l’Homme cherche a rester en sécurité donc pourquoi ira-t-il se mettre en danger ?]
Justement par le fait qu’il a également d’autres besoins, et que du coup parfois il va estimer que sortir de sa zone de confort peut en valoir la peine si ça peut lui permettre d’en assouvir un autre.
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Je suis plutôt du genre à prendre les choses dans leur globalité parce que tout (ou presque) a des conséquences sur autre choses qui ont des effets sur d’autres. Dans le monde actuel, nous préférons quantifier les choses avec des chiffres qui changent au moindre phénomène plutôt que de les qualifier. Nous établissons un bilan carbone pour définir qui pollue le plus et après on est réticent à s’engager parce que ce type de phrase est populaire : « Pourquoi je changerai mes habitudes alors que le problème vient de la grosse entreprise ? » Pourquoi ne pas simplement se reporter aux phénomènes anormaux (donc qualifier) puis compléter avec des chiffres pour cibler les améliorations prioritaires plutôt que de perdre du temps à faire l’inverse ? Ainsi, il n’y a plus de grands responsables, plutôt une prise de conscience collective qui évoluera vers une démarche pour les grands groupes qui adapteront leur marketing selon le client. Enfin l’idée est là.
Ce sera un plaisir de débattre sur les responsabilités des institutions qui se doivent de donner l’exemple de part leur pouvoir à communiquer et leur main-mise sur la publicité. 😄
Je suis d’accord, les besoins amènent d’autres besoins et c’est sûrement là la complexité de définir le caractère des besoins. Maslow a défini sa pyramide de façon hiérarchisée. Hors, quand les besoins physiologiques et de sécurité sont comblés, ceux d’appartenance et d’estime prennent le pas même si cela va impacter les besoins « primaires »
Du coup, choisir de perdre de la sécurité au privilège de gagner en estime est difficile pour un bon nombre de personnes quand c’est évident pour d’autres. Je pense que cela dépend également du caractere de chacun et de leur rapport à la vie
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